Ô my heart, it's a fish out of the water
La frustration, cette enfant de putain. Je vois la frustration comme une vieille mégère aigrie, grise, amère envers tout, pourrie de ressentiment jusqu'à la moelle. Je déteste la frustration, parce que j'y suis trop souvent sujette, et parce qu'elle sert à rien. C'est de la colère refoulée, c'est des choses non dites, des envies non faites, qui alimentent sans cesse cet incroyable puits qu'est mon cerveau, mais sans jamais ne rien faire, ne rien toucher. La colère me fait avancer, ça me libère, j'apprends de nouvelles choses, j'évolue (en bien ou en mal, toujours cette manichéenne question). La frustration me blase. J'ai l'impression qu'elle m'ignore, qu'elle en a rien à taper de ma vie, qu'elle fait sa vie à sa manière dans mon encéphale, me faisant regretter des choses vraiment pas importantes, en me montrant des défauts inexistants. En appuyant sur tout le côté nul des choses, comme un gosse qui appuie sur un bleu parce que c'est marrant. La frustration, c'est un peu comme un filtre instagram : au début, ça te fait marrer, c'est pas trop présent, tu arrives à discerner la réalité de ce voile fade et censé être hipsterisément beau, puis finalement, petit à petit, tu vois toutes tes images comme ça. Un filtre de moins-bonnitude. Du gris. Qui s'est installé à ton insu. Vous voyez de quoi je veux parler, faites pas les ignorants.
Je voudrais arracher la frustration de ma vie, mais j'ai également la sensation que c'est un genre d'hydre inépuisable en munitions de tête. Je crois qu'il faut apprendre à vivre avec, apprendre à l'oublier, comme on devrait oublier un furoncle sale imperçable mal placé sur son faciès (ouh, quelle belle allitération en s, appelez moi Appolinaire -ouh, quelle jolie allitération en appe, etc, etc)
. Ou apprendre à marcher avec la polio. Mais moi ça m'énerve. Ca me frustre de vivre sous frustrations, et le pire dans tout ça (parce qu'il y a toujours un pire dans tout ça), c'est de se rendre compte de tout, de voir le mal que ça me fait subir (la frustration n'est pas douloureuse ceci dit, elle est juste très chiante, c'est comme une brûlure, au début tu sens pas trop et après les cloques te rappellent à la dure réalité de la vie), et de ne rien réussir à faire pour l'instant. Je regarde la frustration à la manière d'une maman qui observe son enfant se détruire lui-même par la drogue (mettons): ça m'énerve, ça me blase, j'ai tout essayé et cette putain de saloperie revient encore, inexorablement, fièrement même, me mettant à la porte de ma propre bonne humeur. Un petit souci qui, par sa persistance, fait une grande ombre sur toute ma vie.
Je t'emmerde, frustration. Un jour tu retourneras dans ta caverne et tu mourras seule. Et moi je deviendrai beaucoup plus légère, et j'arriverai peut-être enfin à m'envoler pour de vrai.
voilà. j'ai rien d'autre à dire.