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8 décembre 2013

And when i'm gone just carry on, don't moan, enjoy every time you heard the sound of my voice

Mon (petit) moi s'est un peu dissolvé hier, ou un peu effrité, choisissez votre mot préféré. Parce que je viens de fêter la première année de vie sans ma grand-mère, et que j'ai beau dire ce que je veux, faire des blagues (douteuses, mais toutes mes blagues sont douteuses) dessus, répondre "j'ai pas de grand mère" en rigolant dès qu'on y fait allusion,  je suis quand même super affectée par sa mort.

Enfin, par son absence. Putain, tout à l'heure j'ai envié Nabilla parce qu'elle était avec sa grand-mère en Californie (et ceci reste un secret entre nous).

Je ne pleure pas sa mort, car je sais (et je reste convaincue) qu'elle est beaucoup mieux où elle est, à côté de l'homme de sa vie. Elle ne vivait plus vraiment depuis sa mort, de toute façon. Elle est morte aux suites d'un cancer contre lequel elle ne s'est pas battue, parce qu'au fond, elle ne voulait plus vivre, elle nous l'a toujours martelé, à moi et à toute la famille, à coups de "oh mais de toute façon je partirais bientôt", qu'elle voulait ironiques, mais qui ont toujours été teintés d'une triste vérité. On a pas pu faire grand chose pour elle, du coup - c'est dur de soigner les gens quand ils ne le veulent pas, quand ils refusent le moindre médicament pour aller mieux, la moindre petite douceur qui pourrait les aider à aller mieux.

Je pleure parce qu'elle me manque terriblement. J'ai pas connu les grands-parents du côté de mon père, mon grand-père est parti tôt et ne m'a pas laissé beaucoup de souvenirs, ma grand-mère, c'était la seule que j'avais. Je pleure parce que je n'en ai pas pris assez soin, parce que je regrette (et bon dieu j'ai vraiment horreur des regrets) de ne pas avoir pris assez de temps pour elle, je pleure toutes les fois où j'aurais pu la voir plus souvent et où je ne l'ai pas fait, alors que je savais bien que sa vie, c'était ses petits-enfants. Je sais très bien à quel point j'étais importante pour elle. J'ai jamais voulu de cette responsabilité, mais c'était comme ça. Je pleure toutes les fois où j'ai oublié de répondre à ses lettres, toutes les fois où j'ai pas répondu à mon portable, toutes les fois où je l'ai négligée au profit de mon petit plaisir personnel, toutes les fois où je n'ai pas fait l'effort.  Je m'en veux terriblement. J'ai pas pris ma responsabilité face à elle, j'aimais pas être oppressée par son amour, j'aimais pas sentir qu'elle avait besoin de moi (et de tous ses petits enfants, bien entendu) pour aller mieux.

Je pleure parce que j'ai pas eu le courage d'aller la voir plus souvent à l'hôpital, j'ai évité (très bien évité, même, je suis forte à ça, à éviter les choses par PEUR) la fin de sa maladie, je voulais pas la voir affaiblie, et je me cachais derrière des excuses bidons ("non mais de toute façon c'est plus ma grand-mère, ma grand-mère à moi marchait et pétait la vie, elle est pas immobile dans un lit avec des tuyaux de partout"), je me suis cachée, j'ai voilé mes yeux, pour ne pas que ça me fasse de mal, pour mon petit confort personnel. Et j'étais persuadée que c'était mieux pour moi.

Ce qu'on dit pas, c'est que ça fait vraiment beaucoup plus mal, de regretter de n'avoir rien fait de plus. De se retrouver con un an plus tard et de se rendre compte qu'on a pas été assez forte. Pas pour les autres, mais de ne pas avoir été assez forte pour soi-même. Je suis conne d'avoir esperé que ça parte vite, son deuil. Je pensais que ça allait être comme une tâche d'encre : avec beaucoup de dilution, l'encre devient plus claire, et disparaît presque. Mais au final, c'est plus comme une tâche d'huile : avec le temps, elle reste incrustée et s'expand si on ne fait rien.

J'ai réagi comme une enfant, persuadée que si je ne voyais pas la douleur, c'est qu'elle n'existait pas. C'est faux. Les choses qu'on ne voit pas sont les pires. Parce qu'on ne prend pas le courage de les affronter.

 

Je pleure parce que ma grand mère, c'était la meilleure. Elle avait énormément de mauvais côtés, comme chaque personne, mais c'était la meilleure quand même. Elle était forte à sa façon. Je l'admirais, et si un jour je vieillis, je voudrais vieillir comme elle - pas avec ses regrets, bien sûr, mais j'aimerais avoir la même énergie et la même force. Même si elle avait une force d'opposition et parfois une force négative. J'aimerais bien avoir LE COURAGE d'être fidèle à moi-même, ce que ma grand-mère a, quelque part, toujours fait. Les autres la définissait comme chieuse (et oui, elle l'était), mais c'était parce qu'elle refusait tout simplement les choses qui ne lui plaisait pas, acte que peu de gens arrivent à faire de nos jours.

Je me rappelle que j'avais honte quand je prenais le train avec elle, parce qu'elle payait jamais la taxe pour son caniche, et le contrôleur pouvait essayer de la faire plier, pendant des heures, elle restait inflexible. Je doute qu'elle ait jamais payé ses amendes, du coup.

Je me rappelle de cette fois où on passait à côté du parc qu'il y a en face de chez elle, et qu'elle m'avait dit "reste ici, tu vas voir quelque chose de drôle". Elle a lâché son boxer nain dans le parc, le gardien était pas content (c'était interdit aux chiens), il est sorti, est parti voir ma grand-mère, lui a dit "non mais tous les jours ou presque c'est la même chose, c'est interdit aux chiens ici, vous le savez, c'est en plus écrit juste là". Elle l'a regardé et lui a répondu très calmement "désolée, je ne sais pas lire".

Il n'y avait que ma grand-mère pour me dire que je suis "aussi épaisse qu'un casse-croûte de chômeur", c'est grâce à elle que je n'achète jamais de vins chers parce que bon, "tu le pisseras de la même manière", elle était fière de son paquet de gauloises brunes, sans filtres (les cigarettes les plus ignobles de la terre, dont elle fumait deux paquets par jour depuis ses seize ans), car "au moins quand les gens m'en demandent dans la rue, je leur montre le paquet et ils refusent". Elle ne rentrait jamais dans les églises parce que Dieu l'avait vraiment trop déçue, et elle refusait de lui faire cet honneur. Je me rappelle aussi qu'elle avait tapé un scandale à Sète car un bar refusait qu'elle laisse rentrer son chien à l'intérieur, et qu'elle les avait menacés d'appeler la SPA (je doute qu'ils auraient pu faire quelque chose, remarque). J'avais eu honte, encore.

Je me rappelle de cette fois où elle m'avait dit que j'étais faible, parce qu'on avait beaucoup marché, et que j'étais fatiguée, alors qu'elle non. Une fois, on est rentrés à pied à 3 heures du matin, d'une boîte de nuit (oui, la première fois où je suis allée en boîte de nuit, j'avais 10 ans et c'était avec ma grand mère, je m'étais habillée en blanc, j'étais emerveillée par les ultra-violets), on avait traversé Paris et elle ne s'était pas plainte une seule fois, alors qu'elle était en talons.

Je me rappelle de toutes ses chaussures à talons, de sa coquetterie, de ses rouges à lèvres, à soixante ans comme à quatre-vingts. 

Elle portait une haine insensée aux allemands (aux boches, la faute à la guerre) et elle m'avait fait la gueule quand j'avais choisi Allemand LV2 au lieu d'Espagnol.  Elle vouait aussi une haine insensée aux parisiens de la rive droite, et ça, j'ai  jamais vraiment su pourquoi.

Et je pourrais continuer pendant longtemps sans que vous saisissiez la chose, ma mamie, c'était juste un phénomène à expérimenter, un concept. Et j'étais fière d'elle, en grandissant. Je pleure aujourd'hui parce que je n'ai plus l'occasion d'être fière, du coup. 

Alors mamie, parfois tu étais bien trop dure et il y a certaines choses venant de ta part que je n'ai jamais pu cautionner, et que je ne cautionnerais jamais.  Mais tu m'as appris à être forte et à être entêtée, tu m'as appris la valeur des choses en me forçant à manger tous les aliments que je n'aimais pas parce que toi, de ton côté, tu n'as jamais eu le luxe de pouvoir manger ce que tu voulais, tu m'as appris à ne pas m'attacher à des choses inutiles en écorchant mon prénom chaque année à Noël sur les cadeaux (et du coup j'étais très contente en 2006 parce que tu ne t'étais pas trompée et tu avais bien écrit TAHRA), grâce à ton écriture illisible je peux déchiffrer toutes les ordonnances des médecins, tu m'as appris à me foutre du regard des autres en me forçant à aller à la boulangerie EN PYJAMA (je lui avais dit que j'allais chercher le pain "tout de suite" et j'ai traîné, ça lui a pas plu), tu m'as appris à rester ancrée à mes convictions (c'est pour ça qu'une fois tu m'avais foutue dehors, on s'était disputées sur un sujet sur lequel tu étais inflexible, et je me suis dit, du coup, que moi aussi je pouvais l'être, ça ne t'avais pas plu non plus), tu m'as appris la vie à la dure, à me méfier, à toujours recompter ma monnaie, à ne pas me plaindre. Et même si parfois tu étais dans l'excès, il m'appartient aujourd'hui d'utiliser au mieux ces qualités. Merci, mamie, merci énormément, et si tu es là haut et que tu m'entends, pardonne moi de n'avoir pas pris assez bien de toi. Je t'aime. 

 

"Merci pour ta carte. J'ai fait pouf... car depuis l'année passée à Besançon, nous n'avons pas beaucoup d'approches. Ce n'est pas grave, car près du coeur, c'est avec beaucoup d'Amour, que je pense à toi chaque jour. Continues tes études. Reste ZEN. Défends-toi. Et dis toi que quelque part une mamie n'oublie pas ses petits-enfants. Aussi c'est avec un tambour que mon coeur bat lorsque je pense à toi. Je te fais confiance pour le reste. Loin de toi près du coeur.

Tendresse, amour & ??????????

Mamie

Gros baisers".

 

Les derniers mots de ma grand-mère qui m'ont été adressés. Les plus beaux qu'elle ne m'ait jamais dit.

 

 

 

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