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5 septembre 2015

Jigsaw falling into pieces

J'ai rien écrit depuis trois mois, mais j'ai l'impression d'avoir cessé de vivre pleinement il y a trois mois. Pas que je déprime, je fonctionne, j'ai continué à bosser, j'ai continué à aimer, à aider, mais j'ai la sensation que mon moi n'existe plus depuis un bout de temps. J'évolue dans un brouillard et je n'arrive plus à contrôler ma trajectoire, alors que quelques mois plus tôt, je savais exactement où j'allais dans la vie - et de quelle manière. Je suis pas contre l'idée de faire des détours, ma vie n'est qu'un long détour de toute façon, mais celui ci m'est imposé, plus que choisi. Je suis extrêmement fatiguée, et irritable, j'envoie tout balader du revers de ma main d'oompa loompa, parce que je n'ai même plus l'énergie, je crois, d'en avoir quelque chose à foutre. Mais, ça n'est pas moi. C'est les autres. 

J'avais tenté d'aider une fille à sortir de ses drogues, en février. J'en ai beaucoup parlé oralement, parce que l'histoire m'avait choquée. Je ne l'avais croisée qu'une fois, et je l'avais tout de suite adorée, elle me ressemblait énormément, j'avais senti qu'on avait des histoires familiales similaires, j'avais senti son désespoir qui ne ressemblait que trop au mien, du coup, on parlait un peu (vu que je suis la reine des messages laissés sans réponse) sur facebook. Un jour, ses messages ont cessé d'avoir du sens, et ressemblaient aux sms d'une fille bourrée. Inquiète, j'ai tenté de la voir une fois, deux fois, où elle s'est échappée. Je l'ai croisée une fois à la BU, blanche, ailleurs, marchant à trois à l'heure, et cette enveloppe corporelle manquait cruellement d'esprit. Son esprit si vif et plein de blagues. Elle manquait de s'évanouir à chaque pas, elle prenait le train, avait rendez vous avec son meilleur ami. Je voulais la chercher lorsqu'elle revenait et la raccompagner chez elle. Je ne l'ai jamais fait.

Le lendemain, ses messages ne faisaient plus sens du tout, un amas de lettres et de caractères assemblés, dans une tentative désespérée, alors j'ai décidé d'aller directement chez elle. Je l'ai trouvée accroupie, à chercher dans le courrier de tous ses voisins (parce qu'elle recevait des drogues expérimentales par la poste, en fait). Je suis rentrée dans sa chambre, où tout était recouvert de vomi. Les lits, l'évier, les papiers, les vêtements. J'ai vu l'immensité des drogues qui se succédaient au pied de son lit. De la poudre juste déversée partout, signe d'une personne trop perchée incapable de se shooter correctement. Les pipes, mais sans le tabac. Qui puaient les composés chimiques du crack. Des pilules bleues, partout, que j'ai reconnu comme des benzo - j'ai aussi eu des soucis d'anxiété et mon traitement y ressemblait vachement. Juste qu'elle n'avait pas de psychiatre attitré. Pas d'alcool, ni de beuh, c'était bien trop commun. J'ai ensuite vu tous les sachets ouverts de drogues expérimentales dont je ne connaissais même pas l'acronyme : MP3, AMT, des dérivés de MD, dérivés de LSD, des champignons hallucinogènes. Une cuillère assombrie par la suie qui témoignait des usages répétitifs de meth. J'ai tout pris en photo pour rechercher par la suite. J'ai appelé les urgences. J'ai passé la nuit à l'hôpital. Je l'ai accueillie chez moi lorsqu'elle est sortie parce que j'avais peur qu'elle ne se tue la prochaine fois. Alors que je ne l'avais vue qu'une fois. Je suis retournée chez elle, j'ai tout confisqué, toutes les pilules que j'ai pu trouver, tous les comprimés, toutes les poudres. J'ai même vu de la cannelle à côté de son lit, qu'elle avait dû vouloir ingérer en grande quantité pour halluciner. J'ai lavé le vomi. J'ai fait tourner les machines à laver. Elle est restée trois à quatre jours chez moi, où je ne suis pas allée en cours, où j'étais à côté d'elle. Où elle me racontait sa vie, et elle répétait en boucle les mêmes histoires, les mêmes raisons qui l'avaient poussée à prendre des drogues. Les histoires familiales qui ressemblaient tant aux miennes. J'ai eu pitié. Je l'ai emmenée voir un psy à l'hôpital. J'ai pris rendez vous pour elle chez le médecin. Elle est partie de chez moi juste avant qu'on ne puisse y aller. J'y suis allée toute seule, à sa place. J'ai contacté son meilleur ami, je lui ai expliqué. Je ne voulais pas contacter ses parents, ils étaient, selon ce qu'elle me racontait, pas bien placés et ne réagiraient pas bien - du tout - si je leur expliquais que leur fille n'a pas été clean depuis je ne sais combien de temps, au point qu'elle a oublié un mois (ou plus, je ne compte qu'à partir du moment où j'ai été là) entier de sa vie. J'ai eu mes exams que je devais valider - mon ordi avait lâché pile à ce moment, j'avais déjà "perdu" une semaine parce que j'étais retournée en France en février soutenir moralement un ami à moi dont le meilleur ami était dans le coma, et durant un mois, j'allais checker comment cette fille allait, je lui faisais les courses pour qu'elle mange, qu'elle ne meurt pas de faim, des jus de fruits parce qu'elle vomissait le trop de nourriture solide, parce qu'elle avait pris tellement de drogues qu'elle n'urinait plus, parce que sa peau commençait à virer vers le jaune. Mes exams sont arrivés début avril, j'ai tout validé excepté un cours, que j'ai eu en rattrapage à la fin du mois. J'ai passé mon rattrapage avec une grippe monstrueuse, j'ai eu de la fièvre pendant quatre jours sans interruption, ma tête était assaillie de migraines, et je pleurais sans me contrôler. J'ai pleuré avant mon exam, que j'ai réussi au dessus de mes espérances -un joli 8/10 inattendu). La mère de cette fille est arrivée et a pris le relai, j'ai pris des nouvelles, toujours, mais j'avais enfin un peu de temps à consacrer à moi-même.

Mai, j'ai dû commencer à préparer mon plan si je voulais rester aux Pays-Bas. J'ai commencé à organiser des visites pour ma chambre, à faire mon CV, j'ai fait une vidéo pour ma maman qui m'a pris beaucoup de mon temps. Je me suis mis du stress toute seule car je voulais à tout prix que ma mère la reçoive le jour de son anniversaire, mais, je n'ai pas réussi à tenir la deadline, j'ai donc été déçue. J'ai révisé pour mes examens qui arrivaient en Juin, j'ai reçu ce même ami pendant un mois dans ma chambre, et c'était cool parce que quand je rentrais, parfois il avait fait à manger, et parce qu'on rigolait, et ça m'aidait à oublier le stress qui me hantait - à partir de Juin, plus de bourses, mon contrat de location allait jusqu'en octobre et je devais trouver une manière de le briser pour ne pas avoir à payer un loyer dont je n'avais pas le montant, j'ai visité des appartements avec des amis pour qu'on puisse se mettre en colocation, et à chaque fois, je savais que de toute façon, si par miracle on nous choissisait (trouver un logement à Groningen est aussi compliqué que de trouver du gras sur les mannequins d'American Apparel), j'aurais pas les 600€ nécessaires à débourser pour le premier loyer + caution. Mes amis ont commencé à quitter Groningen un par un également. J'ai aussi appris que j'avais raté la date d'inscription pour m'inscrire en Master à la fac de Groningen, du coup, l'année prochaine, je me retrouve sans rien. J'ai validé mes exams, sauf un cours, que j'ai aussi passé au rattrapage, un 7/10. J'ai eu mon M1, à l'étranger, avec une moyenne de 7/10. Ca m'énerve parce que si j'avais eu le temps, j'aurais eu plus. Mais je suis très satisfaite quand même.

Juillet, mon proprio m'a dit de dégager le premier, j'ai tout pris en une journée, contente que mon contrat soit brisé, contente qu'il accepte que je parte. J'ai inondé la ville de CV, physiquement, mais aussi sur Google Maps, j'ai tapé "restaurants" et j'ai passé deux après midi entiers à trouver les adresses mails pour leur envoyer mon CV. Egalement sur Facebook, j'avais plus rien à perdre. J'ai trouvé un boulot le 6 Juillet, j'étais contente au début, dans une cuisine, plein de trucs à faire, je faisais de la cuisine (je fais les meilleures quesadillas de Groningen désormais), je faisais de la vaisselle, je nettoyais, j'aidais les serveurs, je débouchais des éviers et on m'a appelée Mario pendant trois jours, j'étais occupée chaque seconde. J'ai aussi appris qu'au final mon proprio avait décidé de ne pas me rendre ma caution, comme ça, vu que je restais pas jusqu'en Octobre, ben il se prenait un mois de loyer tranquille. Fin juillet, j'ai déménagé dans la coloc à mon copain, avec mes amis, et je me suis réveillée tous les jours en regardant ce que je n'aurais pas l'année prochaine : une vie étudiante en coloc. Je me réveillais pour comprendre que ça n'était pas chez moi, et que pour l'instant, j'étais dans la merde, parce que mon salaire n'arrivait toujours pas, parce que ma bourse erasmus n'arrivait toujours pas, j'avais les 400€ de Juin et les 200€ de la pension alimentaire, ça suffisait pas pour se prendre un logement ailleurs. Je n'avais pas vu ma famille depuis un bout de temps et je travaillais comme une furie, on m'appelait tous les jours, une fois, en quatorze jours de travail, je n'ai eu qu'un seul dimanche de libre. A côté, j'ai reçu la soeur de mon copain, car il travaillait aussi et il fallait bien que quelqu'un s'occupe d'elle. J'ai aidé Joey à déménager également, parce qu'il n'avait que 19 ans et était perdu quant à bouger trois cartons. J'ai reçu un sms de la mère de cette fille, me demandant si je pouvais aller l'accompagner à une soirée pour vérifier qu'elle ne prenne pas de drogues. Après un échange de sms, j'ai appris qu'elle se droguait encore. Alors je suis allée chez elle pour l'engueuler. Et j'ai appris qu'elle m'avait menti sur des détails. J'ai appris que sa mère n'était pas du tout celle qu'elle décrivait, c'était une personne qui avait eu un problème, certes, mais comme tout le monde, on n'est pas parfait. Ce n'était pas la mère abusive qu'elle me décrivait. Sa mère m'a expliqué également qu'elle se servait de son histoire personnelle comme excuse, mais qu'elle avait déjà commencé à prendre des drogues avant que ses histoires dégueulasses n'arrivent. Elle m'avait aussi menti sur ça. Surtout, je l'ai engueulée parce que je la considérais comme une amie. Et parce que toutes les semaines, elle m'assurait qu'elle ne prenait plus de drogues, exceptées celles prescrites par son médecin. Parce que j'aurais pu comprendre qu'elle ait fait une rechute, je sais très bien qu'arrêter la drogue en une fois est impossible. Parce que quand j'insistais pour lui demander, elle me répondait toujours que tout allait bien. Parce que la situation était pire que ce que je ne pensais, elle avait recommandé un cocktail par internet. Parce que ce même jour, elle me mentait en me disant que c'était celui de la dernière fois. Comme si j'étais une idiote. Je lui ai montré les photos des anciennes drogues que j'avais trouvé dans sa chambre, et je lui ai montré que c'était impossible : ces nouvelles drogues étaient fermées, l'ancien paquet était entrouvert de partout, les sachets déchirés sauvagement. Parce que malgré une démonstration en A+B, elle continuait à me prendre pour une débile. Parce qu'elle me disait qu'elle n'était pas défoncée alors que ses yeux ne pouvaient même pas me regarder en face. Je l'ai engueulée de toutes mes forces, sa mère derrière moi, qui n'a pas bronché. Parce que j'avais raison. On a refait un pacte - cette fois ci, c'est fini. Si tu veux des drogues, tu m'appelles, je te rappellerai toutes les raisons que tu as pour ne pas en prendre. Tu as validé ta première année en psycho malgré ça - parce que je t'ai foutu un coup de pied au cul et tu as commencé à réviser. Tu t'es trouvé un copain qui a l'air cool. Ta mère a tout quitté (boulot, maison, ville, copain) pour toi. Je te rappellerai la chance que tu as d'avoir une mère prête à faire tout ça pour toi. Et elle a recommencé. Alors je lui ai dit que c'était fini.

J'ai continué à aider sa mère car elle était perdue. Je l'ai aidée à déménager, elles sont toutes les deux dans l'ancienne chambre de cette fille. J'ai reçu la cousine de mon copain, j'ai continué à faire le guide touristique. 

Août, j'ai commencé à aller mal. Je ne supportais plus personne. J'envoyais balader tout le monde. Je tirais une gueule tellement longue qu'elle aurait pu me dépasser et je m'en serais fait un sari, drapée dans ma tête renfrognée. J'ai commencé à être extrêmement fatiguée. Je vomissais sans raison, et la seconde d'après, je me jetais sur la nourriture comme si j'en avais jamais vu de ma vie. Je continuais à travailler cinq, six, parfois sept jours d'affilée. J'ai commencé à avoir des hallucinations, qui m'ont inquiétée. Je me suis vue un dixième de seconde entièrement jaune, comme si toute ma peau avait été passée au surligneur stabilo. J'ai aidé mon copain à déménager pour être entièrement dans sa nouvelle coloc, que j'aurais dû occuper aussi. J'ai commencé à vouloir attraper des objets qui n'étaient pas là où je le pensais - si je voulais attraper un verre d'eau, il était placé un centimètre plus à gauche ou à droite que je ne le croyais. J'ai commencé à mal percevoir les choses - je voyais un rond comme un carré pendant un dixième de seconde, le temps que mon cerveau ne corrige. Mon copain était en colère parce que je ne me levais plus le matin, mais je voulais tellement dormir. J'ai aidé Joey à aller à Ikéa, acheter son lit, tout mettre sur un vélo pour qu'on puisse l'emporter dans leur nouvelle maison. J'ai ramené le vélo parce qu'il ne savait pas comment le conduire. J'avais acheté des boîtes à mon copain pour qu'on puisse commencer à ranger notre fouillis, et le lendemain, il m'a dit que c'était mes affaires qui étaient n'importe où de toute façon. Ca m'a fait enrager, j'ai passé deux jours chez une copine qui n'était pas là, juste dans le calme. Je ne mettais même plus la musique. Je voulais juste du calme. Je voulais juste être seule et qu'on arrête de me parler. Je suis partie voir un docteur, qui ne m'a même pas pris la tension, ni même vérifié mon risque cardiaque pour ma fatigue - au point que je m'endors sur les escaliers quand j'attends quelqu'un, moi qui suis victime d'insomnie c'est tout de même ironique. Je n'arrivais pas à lui parler sans pleurer. Elle m'a renvoyé chez moi en me disant que j'étais dépressive. Et j'ai commencé à la croire, avant de me rappeler que non, j'ai été dépressive, ça n'a rien de comparable. J'ai eu des soucis hormonaux, j'ai cru que j'étais enceinte trois fois durant l'été à cause de ces hauts et bas sans raison, j'ai fait trois tests de grossesse, tous négatifs (forcément il n'y avait aucune possibilité que je ne le sois). J'ai eu des règles super abondantes comme si j'avais douze ans de nouveau, j'ai dû jeter deux culottes irrécupérables. J'ai une température corporelle à 35.8 et j'ai eu froid pendant trois jours sans interruption. Une fille que je considérais comme mon amie m'a juste pourrie sans raison en me disant que je parlais trop de moi, que j'étais imbue de moi-même, qu'elle était bien contente de ne pas être allée en psycho parce qu'elle n'aurait rien appris d'intéressant (je fais de la psycho et je crois bien que c'était une attaque personnelle), alors que je voulais juste l'aider parce que je reconnaissais un peu sa souffrance, parce qu'elle est sur un chemin similaire à celui que j'ai parcouru, et j'ai eu l'idiotie de penser que mon expérience pourrait l'aider. Ca a été ma conclusion : il faut que j'arrête d'aider les gens qui ne veulent pas être aidés. Je me suis détestée d'être idiote à ce point, sur le coup.

Au boulot, j'ai fini par ne plus en avoir parce que j'étais trop rapide (sur six heures de vaisselle, je finissais tout en trois tellement que je voulais me défouler, je sortais d'un service de 6h pour aller courir à une heure du matin), j'ai récuré leur cuisine de fond en comble pour m'occuper, et puis j'ai démissionné sur un coup de tête parce qu'un serveur m'a mal parlé. Deux jours après mon dernier jour de boulot, j'étais partie pour l'Angleterre, sous injonction de mon copain de prendre des vacances. Il m'a dit que j'avais besoin de tout lâcher et de respirer et d'arrêter de courir partout. J'ai couru une dernière fois pour attraper mon bus, je suis arrivée là-bas, en pleine campagne, j'ai relâché. La mère de mon copain me déteste parce que j'ai dit "il n'y a pas de place pour accueillir dans sa nouvelle chambre", elle a compris "vous ne pouvez plus rendre visite à votre fils parce qu'il m'appartient désormais". Je suis allée retrouver ma famille à Sète, j'ai dû rentrer chez moi et ne pas voir mon chat m'attendre. 

Je me retrouve sans boulot, sans logement, sans cursus universitaire à la rentrée (mais j'essaye de m'inscrire en licence 1 histoire de l'Art, compliqué). J'ai reçu mon salaire il y a trois jours, j'étais contente, ouais. Et je me repose. Je veux voir personne. Je veux juste être seule, seule seule seule, faire ce que je veux. Je n'écoute même plus de musique, c'est pour dire. Depuis quelques jours je dévore des livres, je n'ai pas pris de billet de retour pour les pays-bas, je me met en pause, et je continue à pleurer, mais cette fois ci, ça me fait du bien. Et dans quelques temps je repartirais à l'attaque.

 

Ce qui m'attriste, c'est que je fais face à cet éternel dilemme : aider les gens et m'épuiser, ou ne pas les aider et être égoïste. Je ne sais pas être égoïste. Je suis triste quand je ne sers à personne. Mais quand je suis gentille, les gens me pillent parce que je ne sais pas dire non. Alors j'arrête de dire oui, et je suis triste parce que je ne sers à rien. J'ai l'impression que c'est mon putain de devoir. Parce que je suis l'une des seules personnes assez sensible pour voir au-delà de ce que ça peut me coûter. Parce que cette fille, avant de m'appeler, a appelé une myriade d'amis qui n'ont pas répondu présent. Parce qu'au boulot, tout le monde se fait porter pâle quand la charge apparaît écrasante, et on m'appelle parce que tout le monde sait que je vais venir remplacer, sans souci. Parce que la dernière fois que mon proprio m'a vu, j'étais en pleurs, et il s'est dit que j'aurais pas la force de protester si mes sous venaient à disparaître. Parce que mon patron s'est dit que j'étais débrouillarde, alors que je touche mon salaire avec deux ou trois semaines de retard, quelle importance. La bourse Erasmus, pareil, une amie dans la même situation que moi l'a touchée en avril, moi par contre, bah ça sera mi-septembre hein. Si j'en ai vraiment besoin, je la réclamerais, c'est tout. Parce que mes amis ont du ressentiment quand je ne les appelle plus ou quand je ne les aide pas - j'aide des inconnus, je pourrais au moins me bouger un minimum le cul pour les gens que j'aime. 

Alors je voulais juste finir et dire que j'en ai marre de me battre pour des choses qui me reviennent de droit, pour commencer. Je n'ai pas à être plus combative, c'est les autres qui doivent être honnêtes et faire leur boulot. En second, j'en ai marre de ceux qui me jugent sans savoir ce que je vis, j'en ai marre des gens qui interprètent mes phrases pour trouver un réceptacle à leurs peurs, j'en ai marre des gens qui estiment que bon, je suis jeune et jolie, je suis donc une princesse qui attend que tout lui tombe dans la bouche. Je ne savais pas que le fait d'être jolie autorisait les autres à me juger à foison (mais quand même, t'as un peu de cellulite là, tu devrais faire plus de sport, et puis tes sourcis sont pas épilés, et de toute façon tout le monde te donne tout parce que tu charmes les gens avec ton sourire, BEN C'EST PAS MA PUTAIN DE FAUTE SI JE SUIS JOLIE ET GENTILLE, et non, je ne juge PERSONNE sur le physique, chose que bien des gens dans mon entourage n'ont pas l'air de comprendre vu que j'entends dans la rue quand je me balade avec mon copain "elle est trop belle pour lui". Ca c'est dans vos putains de têtes, pas dans la mienne. MA JOLIE TÊTE VOUS DIT D'ALLER VOUS FAIRE CUIRE UN TRILLION D'OEUFS ET DE ME LAISSER TRANQUILLE). J'ai été un peu plus moche pendant longtemps, et j'en viens à le regretter, parce qu'à la minute où j'ai eu un copain, des personnes masculines que je considérais comme amis ont cessé de me parler - tu comprends, y'a plus d'espoir pour eux, ils reviendront me parler quand je serais de nouveau une proie libre. Monde de fous.

En troisième, non, je ne suis pas débile à aider les gens, je le fais parce que personne d'autre ne le fait. Parce que tellement de gens sur cette terre fuient, ils fuient les face-à-face pour exprimer clairement ce qu'ils ont à dire, (je préfère mille fois une personne qui me dit ouvertement qu'elle me déteste, j'arrive au moins à la respecter); ils fuient leurs responsabilités minimes jour après jour, les gens fuient parce qu'ils ont peur, et s'énervent sur ceux qui sont plein de compassion pour les comprendre - au moins, ils ne perdent personne, vu que ces mêmes humains vont les pardonner à coup sûr. Tout le monde fuit ses problèmes, tout le temps. Les sentiments en premier. Parce que pour rendre leur vie un tout petit plus facile, ils vont empiéter sur ceux qui comprennent. Ils viennent demander de l'aide à ceux qui ne fuient pas leurs sentiments. Parce que je peux pas fuir l'empathie que j'ai pour toute la race humaine, des plus débiles aux personnes les plus méritantes, je crois que j'essaye, en tout cas, de comprendre tout le monde et je suis toujours au milieu de tout, un point de référence pour les gens perdus. Du coup, je sais quoi faire à leur place. Et ça les décharge. Et moi j'accepte parce que je ne sais pas dire non. Et plus que ça, je n'ai pas envie d'apprendre à dire non. Je trouve ça triste. Parce que si je dis non, je me demande qui aidera ces mêmes personnes. J'ai bien peur de n'entendre aucune réponse. Ca me fout en rogne. 

 

Donc, c'est mon message à la race humaine : déjà, commencez à être honnêtes envers vous-mêmes. Soyez honnêtes avec les autres. Arrêtez de demander trop des autres, et commencez par vous bouger vous-mêmes. Personne ne vous doit rien. La vie ne vous doit rien, sauf quand c'est spécifié par un contrat signé par les deux parties. Arrêtez de parler derrière le dos d'autres personnes et laissez tout le monde tranquille. Si vous avez du temps à dépenser pour déverser de la bile, vous perdez ce temps pour quelqu'un d'autre. Vous perdez le temps de travailler sur vous-mêmes. Je suis loin d'être parfaite, mais je m'en veux à moi-même d'abord, avant toute chose. Je déverse pas mes colères sur quelqu'un d'autre. Je ne me trompe pas d'ennemi. Je me remets éternellement en question pour aller mieux. C'est comme ça que j'arrive à savoir quand je vais mal : quand je commence à râler sans raison après la terre entière. Et tout le monde me dit "oh mais ne sois pas aussi remplie de culpabilité envers toi-même, arrête de t'excuser tout le temps, arrête de penser aux autres, apprend à être égoïste", et je sais que ça, c'est la solution facile, parce que c'est ce que tout le monde fait. Et je refuse obstinément. Je m'en voudrais toujours de la chance que j'ai, parce que ça me permet de mieux l'apprécier. Je m'en fous de m'en vouloir, tant que je me pardonne, ce que je fais. Je m'en fous de paraître faible, parce que je sais que je suis forte. Tout ceux qui ont peur de s'excuser, c'est parce qu'ils veulent pas reconnaître le mal qu'il font, c'est tout. S'excuser c'est reconnaître de ne pas avoir raison. Or je m'en fous d'avoir raison ou pas. Je m'excuse toujours, et ça me fait rire parce que la plupart de la population pense que c'est pour les autres. Je m'excuse pour moi-même, parce que je reconnais que j'aurais pu faire mieux. A chaque seconde de ma vie. C'est comme ça que je deviendrais quelqu'un de meilleur, toujours. Si vous n'acceptez pas mes excuses, c'est pas grave, je m'en fous, au fond. C'est votre problème. C'est votre rancoeur. C'est pas la mienne. Je vous en veux parce qu'elle me contamine, mais je vous pardonne, même quand vous ne vous excusez pas. Et oui, je suis épuisée, mais je vais bien. Je vais très bien, et c'est votre monde qui est malade. C'est normal que je m'épuise si je le combat tous les jours. Et je ne changerais pas. 

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